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Jacques Chirac et l’ambition olympique de la France

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Avec la disparition survenue hier de Jacques Chirac, une page majeure de l’histoire politique française se tourne.

Député, Secrétaire d’État, Ministre, Premier Ministre, Maire de Paris, puis Président de la République, Jacques Chirac aura pendant plus de quarante ans exercé les plus hautes responsabilités de l’État.

Au regard des fonctions qu’il a exercé, Jacques Chirac a pu suivre et contribuer à l’émergence et au développement de toutes les candidatures tricolores à l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques d’été et ce, pour chacun des projets entre Paris 1992, Lille 2004, Paris 2008 et Paris 2012.

(Crédits – Présidence de la République Française)

Si chacun se souvient de sa mobilisation en faveur de la candidature pour 2012, il convient aussi de se rappeler de son engagement aux côtés du projet de 1992, à une période où la France déposa deux dossiers, l’un pour les Jeux d’été (Paris) et l’autre pour les Jeux d’hiver (Albertville).

Face à la grandissime favorite que fut la ville espagnole de Barcelone – en particulier sous l’impulsion du Président du Comité International Olympique (CIO) de l’époque, Juan Antonio Samaranch – Paris ne pu faire mieux qu’une deuxième place au classement des votes des membres de l’institution, s’inclinant alors par 23 voix contre 47 pour sa rivale. Derrière, Brisbane (Australie) et Belgrade (ex-Yougoslavie) recueillirent respectivement 10 et 5 suffrages au troisième et dernier tour de scrutin, le 17 octobre 1986.

Quelques années auparavant, les autorités françaises avaient pourtant minutieusement préparé la mise en place d’une candidature aux Jeux d’été.

Dès le début des années 1980, le Mouvement sportif français et les leaders institutionnels se mobilisèrent pour d’abord sonder les intentions de la population et ensuite discuter de l’intérêt d’une telle entreprise avec le CIO.

Ainsi, le 15 janvier 1982, le Président de la République, François Mitterrand, profita de la réception à l’Élysée du Président du CIO pour évoquer avec lui la perspective d’une candidature française. Peu après, le Chef de l’État confia à Edwige Avice, Ministre du Temps libre, de la Jeunesse et des Sports, la réalisation d’une étude. Dès le 29 novembre 1982, Jacques Chirac informa le Mouvement sportif de son souhait de déposer une candidature et les premiers éléments d’un projet furent dès lors communiqués aux membres des 142 Comités Nationaux Olympiques reconnus à ce moment-là par le CIO.

En amont et après les Jeux de Los Angeles 1984, les efforts s’accentuèrent, comme en témoigne l’un des documents réalisés par l’Association pour la candidature aux Jeux de la XXVème Olympiade – Paris 1992 au milieu des années 1980 :

Et tandis que le Président de la République, lors de la séance solennelle du 90ème anniversaire du CIO à la Sorbonne, annonce que Paris espère accueillir les Jeux d’été de 1992, le 1er juin 1984, le Maire de Paris, Jacques Chirac, prépare son voyage à Los Angeles où, le 29 juillet, il laisse entendre aux membres du CIO que la réponse de Paris sera sans doute « Oui ». Tout se dénoue à l’automne, pratiquement un an avant que le CIO n’ait à se prononcer. Et favorablement.

 

Personne n’en a jamais douté à vrai dire. Car tous les responsables sont entourés, conseillés, par des gens qui ont le sport chevillé à l’âme comme au coeur. Les médaillés olympiques Guy Drut et Henri Boerio sont parmi les conseillers les plus écoutés de Jacques Chirac ; l’ancien Directeur des Sports pour toute la France, Jacques Perrilliat, est maintenant le Directeur Général de la région Île-de-France ; Nelson Paillou et Alain Danet, furent « Chefs de Mission » aux Jeux ; enfin le Premier Ministre, Laurent Fabius, fut espoir olympique en sports équestres, et le Ministre des Sports, Alain Calmat, médaille d’argent en patinage artistique à Innsbruck en 1964.

Le 17 février 1985, Jacques Chirac fit un pas supplémentaire dans l’engagement au service d’une candidature de la capitale française. Le Maire de Paris annonça à cette date la création de l’Association Paris 1992 dont il occupa la présidence compte-tenu de ses fonctions à la tête de la capitale.

Quelques mois avant le scrutin olympique, Jacques Chirac s’efforça encore de convaincre les membres électeurs du CIO au travers d’un texte de deux pages publié en préambule du dossier technique, dont la réalisation fut confiée à cinquante-cinq experts répartis dans divers groupes de travail. A la suite du Président de la République, Jacques Chirac exprima alors le fait que :

« L’année 1992 marquera le centenaire de l’appel du Baron Pierre de Coubertin pour la rénovation des Jeux Olympiques.

 

La France et Paris jugent que cet anniversaire comporte une exigence et un devoir. C’est là le sens de la candidature de Paris.

 

Déjà en 1900, pour la seconde Olympiade, et en 1924, au lendemain du terrible conflit qui avait déchiré le monde, notre pays avait voulu témoigner pour l’Olympisme.

 

Ces célébrations avaient dans les deux cas été préparées dans des conditions très difficiles. En 1920, les Jeux d’Anvers s’étaient parfaitement déroulés et avaient marqué la renaissance de l’Olympisme.

 

En 1924, après l’écrasante épreuve que la Nation venait de subir, il fallut toute sa volonté pour, après l’enchaînement de l’affrontement et de la mort, fêter la vertu du sport et de la vie.

 

Dans un pays heureusement à l’abri de ces déchirements, les Jeux de 1992 offrent à Paris l’occasion exceptionnelle d’honorer solennellement la mémoire de l’homme qui recréa l’Olympisme.

 

Paris présente un dossier solidement étayé. Mais nous n’ignorons pas que d’autres villes ont, elles aussi, un projet également convaincant. Notre ambition est d’apporter le « supplément d’âme » qui peut faire des Jeux de 1992 un moment d’une très forte intensité historique. Paris, aussi riche de son passé bimillénaire que confiant dans sa modernité, est en mesure de concrétiser un tel espoir.

 

Cette candidature est tout d’abord l’expression d’une unité et d’une unanimité. Une volonté commune n’a cessé de s’affirmer entre l’Etat, la Ville de Paris, la Région Île-de-France et le Comité National Olympique et Sportif Français. C’est la France entière, rassemblée autour de sa capitale, qui revendique l’honneur d’organiser les Jeux de la XXVème Olympiade.

 

Ces Jeux seront ceux de la paix et de la concorde entre les peuples. Notre pays, qui a toujours su affirmer les valeurs de la liberté, de la dignité et des droits de l’Homme, a la chance d’échapper aux convulsions des grands conflits du monde. Il a pu, dans un concert international troublé, maintenir un juste équilibre entre les blocs et les idéologies.

 

Ce seront les Jeux de la fidélité. La France qui a toujours été présente à tous les Jeux modernes a constamment contribué à sauvegarder le message spirituel et moral de l’Olympisme.

 

Ce seront les Jeux de la modernité. Paris, ville pionnière dans les techniques, la communication, dispose des équipements nécessaires au rayonnement universel des Jeux Olympiques. Tant en ce qui concerne la diffusion des images des Jeux que la communication interactive entre les divers acteurs, le niveau de performance atteindra les sommets de la technologie de pointe. La sécurité sera totale à chaque instant et partout.

 

Paris possède, en outre, les infrastructures de transport qui permettent d’accueillir sans difficulté cette manifestation aussi vaste et complexe qu’est la fête olympique. Trois aéroports internationaux assurent la liaison avec les plus grandes villes des cinq continents. Un réseau ferré à très haut niveau de performance avec ses trains à grande vitesse et un ensemble de transports urbains qui compte parmi les plus développés du monde fournissent de remarquables possibilités de déplacement.

 

Enfin, Paris – ville de culture, de liberté et d’humanisme – entend affirmer dans le domaine culturel une ambition digne de la vocation universelle dont toute son histoire est imprégnée.

 

Tels seront les Jeux Olympiques de 1992 à Paris. Nous voulons qu’ils prennent valeur d’exemplarité. Ils devraient symboliser, à l’échelle de l’homme et à l’échelle de notre temps, une grande rencontre. Celle de la concorde, de la fraternité et de la jeunesse ; un message d’espérance et de foi.

(Crédits – Paris 1992 / Archives Sport & Société)

Au-delà de la candidature de Paris 1992, Jacques Chirac s’engagea – et engagea le pays – dans une autre tentative olympique, à savoir l’organisation des Jeux de 2004 avec la candidature de Lille.

Choisie par le CNOSF en 1995 au détriment de Lyon, la capitale des Flandres proposa un concept métropolitain doté d’un budget de 8 milliards de francs et marqué par la participation d’athlètes de haut niveau, à l’image de Marie-José Pérec, figure de l’athlétisme français aux Jeux de Barcelone 1992 et surtout marraine de la candidature lilloise.

Dans l’un des bulletins d’information relatif à l’état d’avancement de ladite candidature, Guy Drut, Ministre des Sports, mentionna en novembre 1996 l’investissement du Chef de l’État en ces termes :

En remettant la lettre de garantie de l’État à Marie-José Pérec le 30 juin 1996, le Président de la République, Jacques Chirac, a fait de la candidature de Lille à l’organisation des Jeux Olympiques de 2004, la candidature de la France.

Mais alors que Paris avait réussi à se présenter face aux membres électeurs du CIO en 1986, le projet de Lille fut recalé par l’institution dès le 07 mars 1997, ne parvenant pas à obtenir le statut tant espéré de Ville Candidate. Il faut dire que la délégation du CIO conduite par un certain Thomas Bach – aujourd’hui patron de l’institution – avait peu de temps auparavant soulevé des réserves lors de sa visite sur le terrain, notamment concernant la dispersion des sites sportifs sur le territoire ou les carences dans l’offre hôtelière.

Après ces deux échecs successifs, la France fut à nouveau candidate aux Jeux, avec le dépôt d’un dossier pour 2008 et le retour de Paris comme prétendante officielle.

Reprenant alors la plume, quinze ans après sa première lettre à l’attention du CIO, Jacques Chirac, devenu Président de la République en 1995, s’adressa à Juan Antonio Samaranch à la fin de l’an 2000 :

(Crédits – Paris 2008 / Archives Sport & Société)

A l’instar des Jeux de 1992 toutefois, l’échéance de 2008 avait été scellée d’une certaine manière bien avant l’élection de la Ville Hôte.

Afin de marquer l’ouverture du CIO sur le reste du monde, au-delà de l’Europe et des États-Unis principalement, Pékin et la Chine furent ainsi les grands vainqueurs pour 2008.

Signe de la tentation d’expansion exprimée par l’institution – conjuguée aux faiblesses du dossier tricolore – Paris ne se classa qu’en troisième position du vote organisé à Moscou (Russie) le 13 juillet 2001, avec seulement 18 suffrages, derrière la capitale chinoise (56 voix) et Toronto pour le Canada (22 voix). Au premier tour, sur les cinq villes en lice, Paris fut même reléguée en quatrième position, devancée par Istanbul (Turquie).

En dépit de cette troisième déconvenue en moins de vingt ans, le CNOSF présenta une fois encore une candidature de la Ville Lumière avec cette fois-ci l’ambition d’accueillir les Jeux de 2012.

Longtemps auréolée du statut – convoité tout autant que redouté – de favorite, Paris s’inclina néanmoins face à Londres (Royaume-Uni) après un scrutin olympique perdu par 50 voix contre 54.

Le 06 juillet 2005, la présence à Singapour de Jacques Chirac n’avait pas permis d’inverser la tendance des derniers jours et de contrecarrer les effets de l’engagement acharné du Premier Ministre britannique, Tony Blair. Pire, selon certains observateurs, elle aurait implicitement conduit à l’échec de Paris en raison de propos attribués au Chef de l’État concernant la qualité de la gastronomie britannique…

(Crédits – Sport & Société / Paris 1992, Paris 2008, Paris 2012)

Malgré l’échec prévisible de Paris 1992 et les candidatures suivantes infructueuses, Jacques Chirac maintiendra toujours un intérêt singulier pour les Jeux, durant ses fonctions à la tête de la capitale ou lors de ses deux mandats à la Présidence de la République.

En sa qualité de Maire de Paris, Jacques Chirac prononça ainsi le discours d’ouverture du Congrès Olympique du centenaire qui se déroula en France en 1994, en présence du Président Juan Antonio Samaranch, mais également d’invités prestigieux comme l’explorateur de renom Jacques-Yves Cousteau.

Puis au début des années 2000, le successeur de Juan Antonio Samaranch eu lui-aussi l’occasion d’échanger avec Jacques Chirac, devenu entre temps Chef de l’État.

En janvier 2003, Jacques Rogge profita en effet de sa venue à la Cérémonie d’ouverture de la rencontre des Ministres de l’Éducation Physique et du Sport de plus de 90 pays au siège de l’UNESCO à Paris, pour s’entretenir avec le leader français. Ce dernier reçu à cette occasion l’Ordre Olympique des mains du Président du CIO en présence du Président d’honneur Juan Antonio Samaranch, ainsi que des membres français du CIO (Jean-Claude Killy et Guy Drut), des membres d’honneur (Maurice Herzog et Alain Danet), ainsi que du Président du CNOSF de l’époque, Henri Sérandour et du Ministre des Sports, Jean-François Lamour.

Enfin, il est à noter que l’intérêt de Jacques Chirac pour la dimension olympique s’illustra aussi par son rapport aux premiers acteurs du sport et des Jeux que sont les athlètes.

Deux anciens Olympiens furent d’ailleurs des proches parmi les proches de l’ancien Maire de Paris (1977-1995) et Président de la République (1995-2007).

Guy Drut à la tribune de la Session du CIO, en septembre 2017 à Lima (Crédits – Jean-Marie Hervio / KMSP / PARIS 2024 / DPPI)

Adjoint chargé des sports entre 1985 et 1989, Guy Drut – Champion Olympique du 110 mètres haies aux Jeux de Montréal 1976 – fut ainsi nommé Ministre des Sports au sein du Gouvernement Juppé entre 1995 et 1997.

Jean-François Lamour – Champion Olympique d’escrime au sabre individuel durant les Jeux de Los Angeles 1984 puis de Séoul 1988 – exerça pour sa part les fonctions de Conseiller technique pour la Jeunesse et les Sports à l’Hôtel de Ville de Paris (1993-1995), avant de rejoindre Jacques Chirac lors de son accession à l’Élysée. De 1995 à 2002, l’ancien escrimeur repris ensuite lesdites fonctions mais cette fois-ci auprès du Secrétariat Général de la Présidence de la République.

(Crédits – Jean-François Lamour / Page Facebook)

A compter de 2002 et jusqu’en 2007 enfin, Jean-François Lamour occupa le poste de Ministre de la Jeunesse, des Sports et de la Vie Associative durant le quinquennat du Président Chirac, jouant alors un rôle-clé dans la candidature de Paris pour l’organisation des Jeux de 2012.

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